Parce qu'il n'y a pas que les tomates qui ont le droit d'être cultivées...

Parce qu'il n'y a pas que les tomates qui ont le droit d'être cultivées...
marque de tâcheron tailleur de pierre - Château de Chambord - photo par S.Megani

mardi 25 mai 2010

Dirty Little Game


Aujourd'hui une petite critique littéraire puisqu'il s'agit d'un exercice - difficile s'il en est - auquel je ne me suis pas encore beaucoup confrontée. Le livre dont je vais vous parler possède une adaptation cinématographique, que je n'ai pas encore vu à l'heure où j'écris ce billet mais qui devrait venir compléter mes impressions sur l'ouvrage écrit.

Très chers amis, je vous parle aujourd'hui d'un sujet qui risque de me mener rapidement au Point Godwind puisqu'il s'agit de vous faire la chronique de La Vague (The Wave en version originale). L'histoire de la Vague prend place à un période indéfinie de la fin du XXème (je penche pour les années 1990), aux Etats-Unis.

Plus spécifiquement l'histoire se base sur des faits réels, dans un lycée de Californie où un professeur un peu marginal, lance une expérience auprès de ses étudiants afin de leur faire prendre conscience de la réalité quotidienne du peuple allemand sous le régime Nazi. La Vague est née. Avec ses slogans, ses règles et son allure militaire. Seulement la petite leçon de vie prévue initialement dérape et le lycée se retrouve régenté par les membres de la Vague qui n'hésitent pas à user de violence et d'intimidations en tous genres afin de briser les résistances et rallier le plus de monde à leur cause.

Bon. Voici un pitch bien séduisant. On se dit que l'on va sans doute se retrouver dans le même genre de transposition subtile et pleine d'enseignement d'une dictature passée à notre réalité présente que dans l'Acide Sulfurique de Nothomb, que tout cela va nous remuer les tripes et nous forcer à une réflexion dès plus bénéfiques sur le devoir de mémoire, que l'on aura ainsi une vision de ce que peut entraîner un effet de masse. Bref, on est impatient de lire alors on ouvre son ouvrage et on lit.

Hélas, dès les premières lignes on sait que l'on aura pas affaire à du grand style littéraire. Les descriptions de personnages sont poussives à souhait,les caractères de chacun aussi plats que des galets bretons (le quaterback neuneu, l'intellectuelle, sa copine, le cancre) et la narration un peu niaise. A la décharge de l'auteur, n'ayant pas mis la main sur une version américaine, j'ai dû me rabattre sur une traduction française qui m'a parfois eu l'air d'un devoir de version d'un terminal littéraire. Peut-être est-ce préjudiciable. Peu importe, on oublie Nothomb et on attend la suite des évènements.

Qui met un temps fou (pour une nouvelle de 200 pages) à venir. Le starter de l'histoire est une projection d'un documentaire sur les camps de concentration que le professeur passe à ses élèves pour illustrer le cours sur la seconde guerre mondiale. A partir de là nos chères têtes blondes américaines, qui ont l'air de découvrir cette page d'Histoire pour la première fois de leur vie, vont se mettre à réfléchir à tout ça. Enfin, c'est-à-dire qu'après en avoir parlé à la cantine, avec leurs petits moyens intellectuels ils en arrivent à la conclusion que les "Nazis ça craint" et que "comment on a pu laisser faire ça"?
Question ma foi pertinente bien qu'un peu "simpliste" dans le grand débat de la WW2* si vous me permettez d'être acerbe. On peut peut-être encore une fois expliquer ce manque de profondeur dans la réflexion par la juvénilité des personnages (des terminales) et par le fait que nous nous trouvons aux US, un pays où les très jeunes gens ne doivent pas avoir reçu un héritage aussi important sur l'Allemagne Nazi et ses atrocités que les jeunes européens. Je suppute.

Le professeur, embarrassé par les questions, qui, si elles sont rebattues pour quiconque a réfléchi un jour aux horreurs Nazies, n'en sont pas moins toujours sans réponse il est vrai, décide de se lancer dans une expérience et utilise sa classe comme laboratoire.
Au départ, le prof institue seulement quelques règles d'obéissance et de correction soutenues par un emballage disciplinaire (dire oui Monsieur Ross, non Monsieur Ross, être soignés et silencieux en classe etc...).
Seulement, chose que le prof n'avait pas prévu, la leçon est tellement appréciée des élèves que ces derniers en redemandent au cours suivant. Intrigué, le prof renforce légèrement sa doctrine, en instituant un principe d'égalité entre les membres du groupe, cherchant par cet effet à protéger et intégrer les individus en marge de la classe comme le cancre de service. C'est sans doute le plus intéressant dans tout ceci: voir comment le prof, tel un chimiste curieux ajoute des éléments à sa base et s'étonne des résultats obtenus. Jusqu'au moment où l'échantillon bouillonne et déborde et que le scientifique perd tout repère, interroge ses connaissances autant que sa conscience mais ne semble pas trouver de solution au bazar qu'il a mis.

A la base donc, un outil d'intégration, un désir de communauté égalitaire prônant le mieux vivre ensemble, le tout assaisonné de moyen pseudo-militaristes, que les étudiants réclament d'eux-mêmes plus la Vague devient haute (slogan, emblème, salut...).
Et c'est ici que tout fout le camp. Quand le prof, dépassé par l'envergure de ce qu'il a créé, s'aperçoit que la Vague vit seule et qu'il est devenu son chef suprême malgré lui... Les membres les plus actifs et virulents s'offrent de rallier l'ensemble du lycée à leur cause et rapidement des menaces et des affrontements ont lieu.

Bon. Dite ainsi l'histoire a toujours l'air vraiment passionnant. Pourtant je ne peux pas m'empêcher de nourrir une grosse déception face à ce livre. Comme je l'ai laissé entendre plus haut, les dialogues sont d'une niaiserie consumée et sonnent de la manière la plus artificielle qui soit. Les évènements mettent un temps fou à démarrer mais s'enchaînent à une vitesse folle (un peu plus d'une semaine et demie si mon calcul est bon entre l'avènement de la Vague et la fin du livre). On a donc du mal à croire à une pareille dérive en si peu de temps. Du coup, tout semble résumé, tronqué afin de trouver sa place dans ce court récit. Bien sûr le format de la nouvelle a sans doute été la contrainte que s'est imposé l'auteur afin de donner à son œuvre cet aspect "conte réaliste moderne" avec pour trame de fond "et si ça arrivait à nouveau"? Mais tout de même, l'ensemble donne au final l'impression d'un tas de raccourcis décevants.

L'auteur parvient au final à balayer tous les grands principes d'une dictature militariste, avec ses bonnes intentions et ses abus, mais, en raison du style pesant, et de la rapidité d'enchaînement des idées évoquées, on a la sensation de lire une "petite introduction aux faits et méfaits du régime totalitaire" à destination de la catégorie 15-18ans.

C'est assez pénible en effet, quand, tout au long du récit, les personnages, déjà tellement archétypés, que l'on connaît d'emblée les tréfonds de leurs pensées, vous précise, dans leur style empesé et avec leur vivacité d'esprit à faire s'enorgueillir un chameau, ce qu'il faut tirer comme conclusion de ce qu'il vient d'être dit, fait ou expliqué. Vous êtes grand, vous êtes au moins aussi intelligent qu'eux et vous savez faire fonctionner votre libre-arbitre, alors à ces moments là vous avez juste envie de leur envoyer "Développer ses méninges en 10 leçons" par colis FedEx (ou dans les dents) et de refermer le livre avant la fin, si ce n'était le personnage du professeur, seul protagoniste n'affichant pas un manichéisme affligeant (sans être non plus très fouillé), dont on veut savoir s'il s'en sortira de son dilemme moral entre curiosité scientifique et ivresse du pouvoir.

Pour finir, ce livre est intéressant à prendre dans son ensemble pour les principes qu'il démontre et a tout de même le mérite de nous rappeler l'importance du devoir de mémoire, du pouvoir de la peur et du devoir de dire non. Malgré toutes mes remarques acides, je recommanderais peut-être ce livre à tout professeur d'histoire de secondaire qui souhaite illustrer son cours avec un support alternatif au documentaire... Et espérons que le film viendra infirmer certaines de mes réticences, la barrière de la traduction étant déjà moins problématique au cinéma et les personnages seront, je l'espère, plus charismatiques.. Je vous en reparle bientôt.

*WW2 signifie Second World War ou 2ème Guerre Mondiale.


jeudi 20 mai 2010

Copyright... Is copy right?


Un petit compte-rendu rapide aujourd'hui d'une exposition visitée ce week-end à Paris à l'occasion de la Nuit des Musées: Seconde Main, au Musée d'Art Moderne de la ville de Paris.

La Nuit des Musée est une initiative que j'apprécie beaucoup et que j'essaie d'honorer chaque année. L'ouverture tardive des musées partout en France et les événements spéciaux prévus ce soir-là valent généralement déjà le déplacement, mais quand on a en plus la chance de la passer à Paris c'est la cerise sur le gâteau!

Seconde Main est une exposition qui propose de voir ou revoir des œuvres majeures de la production moderniste sous le sceau de la "copie".

Exposées au milieu de leurs semblables, voir de leurs modèles, des dizaines d'œuvres "copiées" s'introduisent parmi les œuvres "légitimes" des collections du musées, comme autant de petits intrus réjouissant et inoffensifs, sauf peut-être pour notre définition de l'art et de ses chefs-d'œuvre.

Rassurons-nous, pas question de "faux" ici, au sens du faussaire, mais des imitations et des appropriations très réussies d'œuvres réputées par des artistes souvent non moins connus et réputés. Ainsi l'exposition déroule-t-elle sa presque rétrospective, mêlant avec espièglerie pièces originales sorties des fonds du musée et reprises, dans un joyeux brouillard chronologique qui achève de nous faire perdre tous nos repères théoriques si fièrement acquis.


(clic sur l'image pour agrandir)

Alors on se laisse emporter, au grès des salles, et par le jeu qui se met rapidement en place, à savoir, deviner de quel modèle s'inspire l'imitation. Certaines sont simples, tel ce tableau représentant une Campbell Soup de Warhol à la tom... non pas à la tomate justement, tout est dans le détail, regardez mieux. Oui il s'agit bien d'une soupe à la dinde! D'autres demandent un peu de recherche.

Mais quoi qu'il en soit, on arrive toujours à se délecter de l'œuvre présenter. Comme si ,au final, être certain que la pièce est bien un Sol Lewitt ou un vrai Delaunay avait peu d'importance puisque ces "imitations" parviennent à nous exalter de la même façon, juste pour d'autres raisons. Avec ce petit plus de la jubilation lorsque l'on parvient à déterminer l'auteur ou la nature de ce devant quoi on se tient.

Bien entendu on est un peu tiraillé, on se sent nerveux devant cette expérience qui remet en cause pas mal de nos "croyances" en matière d'art, qui questionne ce qu'au fond on a souvent soupçonné "est-ce l'œuvre ou l'artiste que j'admire?". D'autant plus que la scénographie parvient à nous faire accepter assez facilement l'idée que la "copie" est parfois plus réjouissante que la "vraie", ou que c'est tout à fait amusant de se moquer ainsi gentiment des principes fondateurs de l'art du XXème siècle. Seconde Main nous amène à nous reposer encore une fois ces questions sur art/signature/marché, un peu passées de mode (comme les occasions, les secondes mains) qui restent malgré tout présentes dans notre appréhension de la production artistique contemporaine.



Une exposition dès plus rafraîchissantes où les références et les certitudes artistiques durement forgées sont bousculées et remises en cause avec beaucoup de finesse et de subtilité. Devant nous défile presque 40 ans d'art moderne et des noms, qu'on aurait pas imaginé voir un jour ensemble se côtoient, tels les habitants d'un grand musée de Babel où les époques, les mouvements et les styles n'ont plus tant d'importance.

On parvient alors à un accord tacite avec soi en se disant, qu'après tout, peut-être, parfois, "qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse".


En savoir plus


Musée d'Art Moderne de la Ville de PARIS

A la minute où j'écris cette article, voici le communiqué qui me parvient
Le MAM fermé après le vol de cinq tableaux de maîtres


Crédit photographique: Delphine Berte

vendredi 14 mai 2010

Poétique de la mécanique cybernétique

Bonjour à tous,

Navrée pour ce très long silence. Manque de temps et manque de matière mais me revoici gonflée à bloc. Alors pour recommencer en douceur, une petite aubaine culturelle régionale: l'exposition Vaucanson et l'homme artificiel, des automates aux robots. Organisée en partenariat avec le Musée des Arts et Métiers de Paris et le Musée des Automates de Grenoble.

Une charmante exposition que nous propose là le Musée Dauphinois de Grenoble. Loin des expos blockbuster ou des marronniers du genre, le musée part de la figure de Jacques Vaucanson, personnage peu connu en comparaison de l'impact de son oeuvre, pour se rendre dans les sphères des cybertechnologies par un intéressant effet d'extension. Explications

Vaucanson, fils de gantier grenoblois, né à l'époque des Lumières et passionné de mécanique fut l'inventeur du premier métier à tisser automatique. Une révolution silencieuse s'il en est qui a tout de même permis une avancée significative vers la modernité et a posée une base de ce qui deviendra plus d'un siècle après, l'ère industrielle.

Adepte de mécanismes complexes, il crée aussi de ravissants automates, dont le Canard Digérateur et le Joueur de Flûte, devenus célèbres tant pour leur poésie et leur humour que pour le travail d'orfèvre qu'ils avaient nécessités.
Une vie entière consacrée à l'automatisation, et un rêve, s'approcher au plus près de "l'homme artificiel", de l'homme-machine. Premier jalon de la cybernétique, Vaucanson est donc le point de départ que prend le musée pour nous mener vers une démonstration de l'évolution robotique de notre siècle.

La suite de l'exposition est dédiée entièrement à cette figure que nous connaissons bien, nous, enfants de l'ère électronique, le robot.
Mais le robot sous toutes ses formes et toutes ses perspectives. Du simple jouet hétéroclite, bruyant et coloré qui a fait les belles heures de notre enfance (et sans doute induit une augmentation des crises de nerfs chez les parents de l'époque) au robot-humisant, utilisé dans des secteurs aussi variés que l'industrie ou le médical.

A noter la présence d'Asimo, le célèbre robot de Honda, dernier né de la longue évolution du secteur robotique de la firme. Un poster géant nous en retrace d'ailleurs les étapes. Le progrès technique effectué depuis environ 25ans est sidérant. Toutefois, l'une des rares choses à reprocher à cette exposition, il n'en est pas fait ici de démonstration. Pour le voir en fonctionnement, mieux vaut apparemment se rendre sur les stands Honda au Salon de l'auto de Genève...

Et bien entendu toute une section est consacrée aux enjeux que représentent ses objets cybernétiques dans le monde de la recherche scientifique. Prothèses, bras articulés, exosquelettes forcent l'admiration et augurent d'une amélioration certaine des capacités de la médecine et par extension de la qualité de vie des patients.

Enfin pour les amateurs de vidéo-ludisme, une petite aparté nous explique où en sont les scientifiques et professionnels en matière d'image de synthèse, de 3D et motion capture.

Une exposition qui laisse entrevoir tout le chemin parcouru en matière de technologie cybernétique. Sujet qui reste l'un des grands rêves de l'Homme, celui de créer la machine à son image et d'atteindre enfin toutes ces choses pour le moment encore impossibles: voler, faire marcher les paralytiques, vivre dans l'Espace...
Une visite qui redonne foi en l'Homme et en ses capacités à améliorer son monde pour le bien de tous.

A voir pour le plaisir de s'extasier sur les petits pas dansants d'un robot!

+ d'infos

La visite est gratuite pour tous!

Vaucanson et l'Homme artificiel, des automates aux robots
Musée Dauphinois
Jusqu'au 30 juin 2011

Le Musée des Automates de Grenoble
12 RUE DES ARTS - 38000 GRENOBLE